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Friday, September 27, 2024

Le tracé de la carte de l’Afrique et les enjeux de manipulation géopolitique

La carte de l’Afrique révèle que les frontières africaines, loin d’être statiques, sont constamment réinterprétées et manipulées pour servir des intérêts géopolitiques. Cependant, elle est bien plus qu’un « outil de navigation » ; elle est un « instrument de pouvoir ».  Qu’il s’agisse de conflits internes exacerbés par des tensions ethniques ou de guerres transfrontalières motivées par des ambitions économiques, le tracé de la carte de l’Afrique reflète souvent des luttes de pouvoir qui dépassent largement le continent.

Depuis la colonisation jusqu’aux conflits contemporains, la « cartographie de l’Afrique » a servi à justifier des « ambitions territoriales, des interventions militaires, et des manipulations politiques ». Le découpage des frontières africaines, résultant en grande partie de la Conférence de Berlin de 1884-1885, a largement ignoré les réalités ethniques et culturelles locales, créant des États-nations artificiels où des tensions internes et externes sont devenues la norme. Pour les États africains, l’enjeu est de taille : comment résister aux manipulations externes tout en naviguant dans les complexités internes héritées de la colonisation ?

L’héritage de la colonisation : des frontières imposées

La Conférence de Berlin, où les puissances européennes se sont partagées le continent africain, a constitué un moment déterminant dans la « fabrication des frontières modernes de l’Afrique ». Les territoires furent attribués sans tenir compte des « réalités sociales, ethniques ou historiques des peuples africains ». Par exemple, des groupes ethniques comme les Ewe au Ghana et au Togo, ou les Somaliens, furent séparés par des frontières coloniales qui existent toujours aujourd’hui.

Cela a conduit à une multitude de conflits post-coloniaux, alimentés par des revendications irrédentistes et des disputes frontalières. Un exemple concret est la guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée (1998-2000), qui découle des ambiguïtés laissées par la colonisation italienne. Bien que l’Érythrée ait obtenu son indépendance en 1993, le conflit sur les frontières issues de la colonisation a rapidement dégénéré en une guerre sanglante.

La manipulation des frontières dans les conflits modernes

Les tensions ethniques et territoriales sont souvent exploitées par des acteurs politiques pour manipuler les conflits à leur avantage. Le Rwanda et le Burundi, deux nations qui ne figuraient pas en tant qu’États sur les cartes précoloniales, sont souvent perçus comme des créations géopolitiques de l’époque post-Deuxième Guerre mondiale, ayant un rôle de pivots dans la région des Grands Lacs africains.

Ces deux pays sont régulièrement accusés d’intervenir militairement en République démocratique du Congo (RDC), particulièrement dans la région instable du Kivu, sous le prétexte de protéger leurs populations tutsies, mais avec des motivations économiques et géopolitiques bien plus complexes. Le Rwanda, notamment, est accusé de soutenir le groupe rebelle M23 dans l’Est du Congo pour avoir accès aux ressources minières stratégiques, comme l’or et le coltan. Cette dynamique rappelle les jeux de manipulation géopolitique, où des nations cherchent à « redéfinir les frontières ou à influencer des territoires voisins pour renforcer leur propre position régionale ».

>> Lire aussi : LA PRÉTENDUE EXPANSION PRÉCOLONIALE DU RWANDA AU NORD-KIVU : UN MYTHE OU UNE FALSIFICATION HISTORIQUE ?

Exemple : La crise du M23 et la balkanisation de la RDC

Un des exemples les plus flagrants de manipulation géopolitique en Afrique est le soutien présumé du Rwanda au groupe rebelle M23 dans l’Est de la RDC. Ce conflit, qui ravage les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, s’inscrit dans une longue histoire de guerres de prédation entre États voisins. Depuis l’invasion rwandaise en 1996 et 1998, le Rwanda a été accusé de chercher à s’accaparer des portions du territoire congolais, particulièrement pour exploiter les richesses naturelles.

Le Rwanda, justifiant son intervention par des raisons sécuritaires – à savoir la présence des FDLR, un groupe de rebelles hutu impliqués dans le génocide de 1994 – cherche également à jouer sur des lignes ethniques pour imposer son influence dans la région. Certains analystes accusent Kigali de chercher à créer une « zone tampon » dans le Kivu, voire de pousser à une balkanisation de la RDC, avec la création de mini-États sous influence rwandaise.

Le rôle des puissances internationales

Les puissances internationales, notamment les anciennes métropoles coloniales comme la France, la Belgique, ou les puissances émergentes comme la Chine et les États-Unis, jouent également un rôle dans ces manipulations. Les interventions militaires, les accords économiques, et les alliances stratégiques sont souvent mis en place pour défendre des intérêts géopolitiques bien précis.

Par exemple, la France a longtemps été impliquée dans la crise ivoirienne, où elle a soutenu différentes factions en fonction de ses intérêts économiques et politiques. L’intervention militaire en 2011 pour renverser Laurent Gbagbo et installer Alassane Ouattara au pouvoir peut être perçue comme une volonté de Paris de maintenir son influence dans ses anciennes colonies, tout en garantissant un accès privilégié aux ressources ivoiriennes.

De même, les accords économiques conclus entre la Chine et plusieurs États africains, sous l’égide des projets liés aux « nouvelles routes de la soie », permettent à Pékin d’obtenir des concessions stratégiques, souvent en échange d’infrastructures ou de prêts massifs. Cela soulève des inquiétudes sur la capacité des États africains à protéger leurs intérêts face à cette nouvelle forme de « colonisation économique ».

Manipulation des identités ethniques

Un autre aspect de la manipulation géopolitique concerne l’instrumentalisation des identités ethniques. En Afrique, les frontières coloniales ont souvent rassemblé des groupes ethniques historiquement rivaux au sein d’un même État, ou séparé des groupes ethniques homogènes entre plusieurs États. Cela a donné lieu à des manipulations politiques visant à exacerber les tensions ethniques pour servir des objectifs géopolitiques.

Au Rwanda, la distinction entre Hutu et Tutsi, qui a été accentuée par les colonisateurs belges, a été un facteur déclencheur du génocide de 1994. Depuis, la manipulation de ces distinctions ethniques a continué d’alimenter des conflits dans la région des Grands Lacs, notamment dans l’est de la RDC.

En Somalie, les tensions entre les clans ont été systématiquement exploitées par les puissances étrangères pour justifier des interventions militaires ou soutenir certains groupes au détriment d’autres, en fonction des intérêts géopolitiques du moment. Les interventions américaines dans la région, sous couvert de lutte contre le terrorisme, ont ainsi contribué à perpétuer l’instabilité dans la région.

Exemples concrets à retenir :

1. La crise du M23 et l’implication du Rwanda : Une illustration des manipulations géopolitiques par l’exploitation des lignes ethniques et des ressources minières en RDC.

2. La guerre Éthiopie-Érythrée : Un exemple de conflit né d’un découpage colonial imprécis.

3. L’intervention française en Côte d’Ivoire (2011) : Une intervention justifiée par la défense de la démocratie, mais qui dissimulait des intérêts stratégiques économiques.

Ainsi, la carte de l’Afrique reste un « terrain de jeux » ; elle est continuellement redéfinie par les forces internes et externes. Les ambitions nationales et internationales jouent un rôle clé dans cette redéfinition, souvent au détriment de la stabilité des États africains. La crise du M23, les conflits ethniques exacerbés par les « frontières coloniales », et les interventions des puissances étrangères montrent que la cartographie de l’Afrique reste un enjeu central des manipulations géopolitiques modernes.

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