La relation autrefois fusionnelle entre Patrice Talon, président du Bénin, et son allié de longue date, Olivier Boko, a viré à la tragédie politique. Les Béninois ont été secoués le 23 septembre par l’arrestation spectaculaire d’Olivier Boko, arrêté en pleine nuit, accompagné de son épouse, alors qu’ils se rendaient au domicile du président. Accusé de complot contre la sûreté de l’État, Boko, surnommé le « vice-président », fait face à de graves accusations. L’arrestation d’un homme aussi proche du pouvoir révèle une fracture profonde dans l’élite politique béninoise.
Le porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji, a exprimé son malaise, affirmant : « Vous pouvez imaginer comme c’est un crève-cœur de parler d’un tel sujet… [Olivier Boko] est un grand frère et [Oswald Homeky], un ami. » Pourtant, certains au sein de la majorité présidentielle peinent à croire à cette rupture. « Je ne croirais jamais à une brouille entre ces deux personnes pour des questions de pouvoir », affirme Nourou Dine Saka Saley, proche de Boko.
Une Amitié Transformée en Rivalité
Leur histoire commune remonte à 1998, lorsque Talon et Boko, tous deux hommes d’affaires influents, se sont rencontrés. Boko, alors jeune entrepreneur, avait déjà un pied dans les affaires, mais c’est sous l’aile de figures politiques comme Gani Saka Saley qu’il prospéra. Très vite, il se lia à Patrice Talon, devenant non seulement son partenaire d’affaires mais aussi son allié politique de confiance. Ensemble, ils ont navigué à travers les tempêtes politiques, notamment en 2012 lorsque Talon fut contraint à l’exil, accusé d’avoir tenté d’empoisonner le président de l’époque, Thomas Boni Yayi. Boko était à ses côtés, consolidant une relation qui semblait indéfectible.
Cependant, à mesure que Talon accédait au pouvoir en 2016, Boko continuait à tisser sa propre toile d’influence. Son rôle dans l’ombre était crucial, veillant sur leurs intérêts communs, finançant les activités politiques, et jouant parfois les négociateurs pour Talon dans des dossiers sensibles. Mais alors que le président s’occupait des affaires de l’État, Boko consolidait ses propres ambitions.
L’Électrochoc de l’Ambition
Le véritable point de rupture semble avoir été la question de la succession présidentielle. Patrice Talon, ayant inscrit dans la Constitution l’interdiction de briguer plus de deux mandats, devait quitter le pouvoir en 2026. Pourtant, aucune consigne claire sur son successeur n’avait été donnée. Pendant ce temps, Boko laissait entrevoir ses propres ambitions pour 2026, avec la création du mouvement “Objectif Bénin 2026”, suggérant son envie de se lancer dans la course à la présidence.
Cette initiative n’a pas été du goût de Talon, ni de certains membres influents de la majorité présidentielle. Lors d’une réunion tendue le 1er avril, Talon a clairement exprimé son autorité en balayant l’idée que le choix du successeur pourrait être collégial. Cette rencontre a marqué un tournant. Boko, sentant la porte se refermer, a pris ses distances. Mais ses ambitions contrariées ont-elles mené à un complot ?
Une Chute Abrupte
Le 2 octobre, Olivier Boko, ainsi que d’autres personnalités, ont été officiellement inculpés de « complot contre la sûreté de l’État ». Le procureur de la Criet a également ajouté des accusations de « blanchiment de capitaux » et de « corruption d’agent public ». Placés sous mandat de dépôt, Boko et ses co-accusés font désormais face à une justice implacable, alors que l’enquête se poursuit.
Cette affaire marque une étape cruciale dans l’histoire politique du Bénin. Elle révèle non seulement les tensions internes au sein de la majorité présidentielle, mais pose également des questions sur l’avenir politique du pays. Le duel fraternel entre Talon et Boko, autrefois partenaires inséparables, s’est transformé en une lutte acharnée, dont l’issue reste incertaine.
Le procès qui s’ouvre pourrait bien sceller le destin de ceux qui, il y a peu, tenaient les rênes du pouvoir dans l’ombre.
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