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RDC-Rwanda : Tshisekedi quitte le sommet, Kagame triomphe

Le XIXe sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui s’est déroulé les 4 et 5 octobre 2024 à Villers-Cotterêts, a été marqué par des tensions diplomatiques grandissantes, reflétant l’impasse persistante de la crise opposant la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Ce sommet, qui aurait pu être l’occasion de renouveler les liens diplomatiques entre plusieurs pays francophones, s’est transformé en un théâtre de divergences, particulièrement en raison des différends non résolus entre Kinshasa et Kigali, aggravés par l’absence de résolution concernant la situation sécuritaire à l’est de la RDC. Ce conflit, alimenté par le soutien présumé du Rwanda au groupe rebelle M23, a dominé les coulisses du sommet, éclipsant le déroulement des débats.

Des débuts prometteurs malgré des tensions sous-jacentes

Le sommet de la Francophonie, ouvert le 4 octobre au château de Villers-Cotterêts, semblait avoir commencé sous de bons auspices. Le président congolais, Félix Tshisekedi, a été accueilli par Louise Mushikiwabo, la secrétaire générale de l’OIF et ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda, dans une scène protocolaire aux côtés du président français Emmanuel Macron et de son épouse Brigitte Macron. Cette image publique de cordialité masquait néanmoins des tensions profondes et non résolues entre la RDC et le Rwanda, exacerbées par les accusations persistantes selon lesquelles Kigali apporterait un soutien militaire aux rebelles du M23, actifs dans l’est de la RDC.

Derrière cette apparente cordialité, une méfiance mutuelle persistait. La relation entre Tshisekedi et Mushikiwabo est marquée par une certaine froideur diplomatique, particulièrement visible lors des Jeux de la Francophonie de 2023 à Kinshasa, où la secrétaire générale de l’OIF n’avait pas été invitée. Ce geste avait symbolisé les profondes divergences entre la RDC et une figure diplomatique proche du président rwandais, Paul Kagame. Cependant, Tshisekedi abordait le sommet avec un certain optimisme, notamment après une rencontre constructive avec Emmanuel Macron dans la matinée du 4 octobre.

Un discours de Macron qui déçoit la RDC

L’espoir d’un soutien ferme de la France à la RDC s’est cependant rapidement dissipé. Dans son discours inaugural, le président français a soigneusement évité de mentionner la crise en RDC, préférant se concentrer sur des dossiers internationaux comme la guerre en Ukraine et la crise à Gaza. Cette omission a profondément irrité les délégués congolais, qui attendaient une prise de position claire contre Kigali, et une reconnaissance publique du soutien présumé du Rwanda aux forces rebelles du M23. Un proche de la présidence congolaise a exprimé la déception de Kinshasa, soulignant que “comme pour le conflit entre l’Algérie et le Maroc, où Macron a pris parti pour le Maroc, on espérait qu’il fasse de même avec la RDC.”

Le discours de Macron, évitant les questions délicates relatives à la sécurité en RDC, a été perçu comme un affront par Félix Tshisekedi, qui s’attendait à une condamnation du rôle du Rwanda dans l’escalade des violences. Cette absence de soutien a visiblement modifié l’atmosphère du sommet pour la délégation congolaise. Dès le lendemain matin, Tshisekedi a quitté brusquement les réunions, laissant sa ministre déléguée aux Affaires étrangères, Bestine Kazadi, représenter la RDC. Il a également refusé de participer au déjeuner officiel offert au Petit Palais et a quitté la France pour Kinshasa le 5 octobre, signe visible de son mécontentement face à ce qu’il considérait comme une position ambiguë de la France.

Une diplomatie en montagnes russes

Le départ précipité de Tshisekedi a surpris les participants au sommet, créant une atmosphère tendue dans les échanges diplomatiques ultérieurs. Un diplomate congolais, sous couvert d’anonymat, a critiqué la gestion de la crise par la France, décrivant une politique de “montagnes russes” dans les relations diplomatiques entre les deux pays. Il a souligné que les discussions privées avec Macron avaient été perçues comme encourageantes, mais que le discours public avait profondément déçu la délégation congolaise, renforçant l’idée d’un double standard dans la politique étrangère française. L’attitude ambivalente de Macron, oscillant entre des entretiens privés constructifs et des prises de parole publiques peu engageantes, a exacerbé la frustration de Kinshasa, qui espérait une position plus tranchée de la France sur la question du soutien présumé du Rwanda aux rebelles.

Conscient du malaise croissant, Emmanuel Macron a tenté de rectifier le tir lors de sa conférence de presse, expliquant que la situation en RDC avait été longuement discutée en privé. Il a affirmé avoir appelé au retrait des troupes rwandaises et au démantèlement des groupes armés tels que les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), actifs dans l’est de la RDC. Cependant, ces propos n’ont pas suffi à apaiser les tensions, d’autant plus que la délégation congolaise, déjà absente, n’a pas eu l’occasion de réagir officiellement.

Kagame gagne en influence diplomatique

Pendant ce temps, le président rwandais Paul Kagame a profité de cette situation pour renforcer sa position sur la scène internationale. Arrivé peu de temps après son homologue congolais, Kagame a été accueilli avec égards par Emmanuel Macron et a joué un rôle central dans les cérémonies officielles, notamment lors de la traditionnelle “photo de famille” et du dîner à l’Élysée. La nomination de Louise Mushikiwabo à la tête de l’OIF en 2019 avait déjà marqué une victoire diplomatique majeure pour Kigali, et ce sommet n’a fait que renforcer cette dynamique.

Kagame a également profité d’un tête-à-tête prolongé avec Macron pour réaffirmer sa volonté de dialogue avec la RDC, tout en rejetant toute responsabilité dans la poursuite des hostilités. Il a souligné que les causes profondes du conflit devaient être traitées avant d’espérer une avancée diplomatique réelle, tout en accusant la RDC de bloquer les efforts de paix. La délégation rwandaise a par ailleurs critiqué les conditions posées par Kinshasa, notamment en ce qui concerne la neutralisation des FDLR, estimant qu’elles étaient irréalistes sans une coopération régionale élargie.

Un processus de paix dans l’impasse

Malgré les tentatives de médiation menées par des acteurs régionaux comme l’Angola et l’Union africaine, le processus de paix entre la RDC et le Rwanda semble dans l’impasse. Le processus de Luanda, lancé en 2022 sous la médiation du président angolais João Lourenço, n’a pas permis d’aboutir à des résultats concrets. La réunion des ministres des Affaires étrangères de septembre 2024 n’a pas permis de faire avancer les questions cruciales du désarmement des FDLR et du retrait des troupes rwandaises de l’est de la RDC. Sur le terrain, les combats entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise se poursuivent, malgré une trêve fragile instaurée en août 2024.

Les discussions directes entre Paul Kagame et Félix Tshisekedi, encouragées par le président angolais, n’ont abouti à aucun accord concret, les deux parties continuant à camper sur leurs positions. Kagame reste fermement attaché à l’idée que les causes sous-jacentes du conflit, telles que les tensions ethniques et les problèmes de gouvernance en RDC, doivent être résolues avant toute avancée significative. De son côté, Tshisekedi refuse catégoriquement de dialoguer avec le M23, qu’il considère comme une émanation de l’influence rwandaise dans l’est de la RDC.

Le sommet de la Francophonie : révélateur des fragilités diplomatiques

Le XIXe sommet de l’OIF a ainsi révélé la fragilité des efforts diplomatiques dans la région des Grands Lacs. Si la Francophonie a pour mission de promouvoir la coopération et le dialogue multilatéral, cet événement a souligné les limites des mécanismes internationaux face à des crises aussi complexes et enracinées. Le départ précipité de Félix Tshisekedi et la montée en puissance diplomatique de Paul Kagame ont mis en lumière l’incapacité des acteurs régionaux et internationaux à résoudre efficacement ce conflit, qui déstabilise l’est de la RDC depuis plusieurs décennies.

Conclusion : un Rwanda triomphant, une RDC isolée

Au terme de ce sommet, la RDC apparaît affaiblie et diplomatiquement isolée, tandis que le Rwanda, sous la direction de Paul Kagame, continue de renforcer ses alliances internationales. Le refus d’Emmanuel Macron de prendre une position claire dans ce conflit a exacerbé la frustration congolaise, qui espérait un soutien plus appuyé de la part de la France. De son côté, Kagame a consolidé son image de leader régional incontournable, à l’aise sur la scène diplomatique. Le processus de paix, quant à lui, semble plus que jamais bloqué, et la communauté internationale devra redoubler d’efforts pour éviter que ce conflit ne continue de ravager l’est de la RDC.

— Jacques Mitshima
© 2024 – LNL News

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