23.3 C
Kinshasa
Sunday, October 20, 2024

La santé de Paul Biya devient un sujet interdit

Résumé :
L’état de santé du président camerounais Paul Biya, 91 ans, fait l’objet de nombreuses spéculations après plusieurs semaines d’absence. Le gouvernement camerounais a réagi en interdisant toute discussion publique sur la question, citant la sécurité nationale. Dans une circulaire officielle, le ministre de l’Administration territoriale a averti les médias et les citoyens des sanctions pour toute tentative de débat sur ce sujet sensible. Cependant, l’absence prolongée du président alimente des inquiétudes dans tout le pays, particulièrement dans un contexte politique déjà fragile.


YAOUNDÉ – Depuis plusieurs semaines, le Cameroun est plongé dans une atmosphère d’incertitude alors que les rumeurs sur l’état de santé de son président, Paul Biya, se multiplient. Âgé de 91 ans, Biya n’a pas été vu en public depuis le début du mois de septembre, et les explications fournies par le gouvernement n’ont fait qu’attiser les spéculations. Afin de reprendre le contrôle de la situation, les autorités ont pris des mesures drastiques, allant jusqu’à interdire tout débat public sur l’état de santé du chef de l’État.

Dans une circulaire marquée « Très Urgent » et diffusée le 9 octobre, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a formellement interdit tout échange dans les médias privés sur la santé de Paul Biya. « Les discussions et les débats sur ce sujet relèvent du domaine de la sécurité nationale », peut-on lire dans le document. La circulaire, adressée aux gouverneurs de région, leur enjoint de créer des cellules de veille pour surveiller et enregistrer les programmes des médias privés, dans le but d’identifier et de sanctionner toute personne se risquant à commenter la santé du président.

Un silence qui alimente les spéculations

L’inquiétude autour de l’état de santé de Paul Biya, l’un des dirigeants les plus âgés au monde encore en exercice, est palpable depuis son absence lors d’événements majeurs. Après avoir participé au Forum de coopération sino-africaine (FOCAC) en Chine début septembre, Biya n’a fait aucune apparition publique. Son absence a été particulièrement remarquée lors de la 79e Assemblée générale des Nations Unies et du sommet de la Francophonie, deux rendez-vous diplomatiques auxquels il participe habituellement. Sur le plan national, son absence lors de la finale de la Coupe du Cameroun, un événement symbolique marquant la fin de la saison sportive, a encore renforcé les doutes.

Cette absence prolongée intervient dans un contexte de fragilité politique au Cameroun, où Biya règne sans partage depuis plus de 40 ans. Les critiques de longue date de son style de gouvernance, caractérisé par un éloignement apparent des affaires courantes et une rareté des apparitions publiques, n’ont fait que se renforcer.

Le gouvernement réagit par une interdiction officielle

Face à l’ampleur des spéculations, le gouvernement a pris la décision de museler toute discussion. La circulaire de Paul Atanga Nji ne laisse aucune place à l’interprétation : « Tout débat dans les médias sur l’état de santé du président est formellement interdit. » Le ministre avertit que les contrevenants devront « faire face à la rigueur de la loi ». En effet, l’article 113 du Code pénal camerounais, qui réprime la diffusion de fausses nouvelles, prévoit des peines allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement si ces nouvelles portent atteinte à la stabilité publique ou à la cohésion nationale.

Le ministre rappelle également que Paul Biya, en tant que chef de l’État, représente « la Première Institution de la République », et que tout débat sur son état de santé doit être considéré comme une question de sécurité nationale. Les gouverneurs sont priés de mettre en place des systèmes de surveillance pour s’assurer qu’aucun média privé ne contrevienne à ces directives, sous peine de sanctions judiciaires.

Une opposition inquiète et en quête de transparence

L’absence de Biya, ainsi que la gestion opaque de cette situation par le gouvernement, ont suscité des réactions dans les rangs de l’opposition. Patricia Tomaïno Ndam Njoya, ancienne députée et actuelle maire de Foumban, a publiquement dénoncé le silence des autorités, affirmant que les rumeurs « influencent dangereusement le cours normal de la vie quotidienne des citoyens et des institutions de la République ». Elle appelle à une plus grande transparence et exhorte le gouvernement à fournir des informations officielles sur l’état de santé du président.

De l’autre côté de l’échiquier politique, Christian Ntimbane Bomo, avocat camerounais basé en France et candidat déclaré à la présidentielle de 2025, a exprimé dans une lettre ouverte ses préoccupations concernant la capacité de Biya à continuer à diriger le pays. « Le peuple est en droit de savoir si le président est toujours apte à assumer ses lourdes responsabilités », a-t-il écrit, exigeant un communiqué officiel de la part du cabinet de la présidence.

La réplique du gouvernement

Malgré les appels à la transparence, le gouvernement a fermement rejeté les spéculations. Le ministre de la Communication, René-Emmanuel Sadi, a publié un communiqué le 8 octobre pour rassurer la population sur l’état de santé du président. Il a affirmé que Paul Biya « se porte bien » et qu’il rejoindra le Cameroun « dans les prochains jours » après un bref séjour privé en Europe. Il a également exhorté les Camerounais à ne pas se laisser distraire par ce qu’il a qualifié de « manœuvres de désinformation ».

Le cabinet civil de la présidence, qui gère les affaires privées du chef de l’État, a également publié un communiqué affirmant que Biya est en « excellent état de santé » et qu’il suit de près l’évolution de la situation nationale, malgré son absence.

Des défis nationaux majeurs

Cette controverse autour de l’état de santé de Paul Biya survient à un moment critique pour le Cameroun, un pays confronté à des défis internes significatifs. Sur le plan sécuritaire, le Cameroun fait face à des conflits violents dans l’extrême nord contre les jihadistes et dans l’ouest du pays, où les séparatistes armés anglophones continuent de mener des attaques. Ces deux conflits ont fait plus de 6 000 morts et ont provoqué le déplacement de plus d’un million de personnes, selon des données de l’International Crisis Group.

Le gouvernement, tout en insistant sur la stabilité et la sécurité du pays, doit aussi faire face à une opposition politique qui se renforce à l’approche de l’élection présidentielle de 2025, un rendez-vous politique crucial pour l’avenir du Cameroun.

© O Bulamba / ADR

RDC : La réhabilitation historique et la reconquête des droits indigènes ou territoriaux

La République démocratique du Congo (RDC) et d'autres pays africains se trouvent aujourd'hui à un tournant historique, où la nécessité de « réhabiliter leur passé...

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Articles les plus populaires

TRANSLATION