22.9 C
Kinshasa
Saturday, October 19, 2024

Gabon : Vers un référendum déterminant sur la nouvelle constitution en novembre

Résumé Le Gabon s’approche d’un tournant politique majeur...

Paul Biya et l’Inévitable Fin : Un Test pour les Leaders Africains

Alors que Paul Biya, le président vieillissant...

Le pétrole russe gagne du terrain en Afrique malgré les risques

Résumé Malgré les sanctions imposées par les pays...

La Fesci dissoute, une organisation sous le feu des critiques

© Abidjan.net Par DR
Côte d’Ivoire/Enseignement supérieur: la FESCI entre en grève pour revendiquer la mise à disposition des résidences universitaires réhabilitées à Abobo et Port-Bouët

Résumé :
Le 17 octobre 2024, la Côte d’Ivoire a dissous la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), après des décennies d’influence sur les campus et dans la politique du pays. Ce puissant syndicat étudiant a été accusé de violence récurrente, marquant son histoire par des épisodes sanglants, dont les récents meurtres de deux membres. Cette dissolution est accompagnée d’une vaste opération d’expulsion d’étudiants occupant illégalement des logements universitaires et de la destruction d’infrastructures illicites. Ce bouleversement suscite des interrogations sur l’avenir du mouvement syndical et les conséquences sur la paix dans les universités.


Abidjan — Le gouvernement ivoirien a annoncé, le 17 octobre 2024, la dissolution de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), le syndicat étudiant le plus influent du pays, accusé de violences, d’intimidations, et impliqué dans deux récents meurtres. Cette décision, rendue publique après une réunion du Conseil national de sécurité (CNS), marque la fin d’un mouvement controversé dont l’influence sur la vie estudiantine et la politique ivoirienne a perduré pendant plus de trois décennies.

Créée en 1990, la Fesci a connu une ascension rapide, devenant le syndicat dominant sur les campus universitaires ivoiriens. Toutefois, sa réputation s’est ternie au fil des ans en raison de son implication dans des affaires de violences, souvent internes, et de son association avec des pratiques mafieuses. La décision du gouvernement intervient après la mort de deux étudiants, tués par des membres de la Fesci dans des circonstances qui ont déclenché une enquête judiciaire et une vague d’arrestations au sein du syndicat.

Meurtres et violences internes : une organisation gangrenée
Le premier incident ayant précipité la dissolution de la Fesci concerne la mort de Mars Aubin Deagoué, surnommé « Général Sorcier », un membre influent du syndicat. Ce dernier, en conflit ouvert avec le secrétaire général de la Fesci, Sié Kambou, a été enlevé puis tué à la fin du mois de septembre. Sié Kambou et plusieurs autres membres du syndicat ont été arrêtés pour leur implication présumée dans cette affaire. La seconde affaire concerne la mort de Diomandé Khalifa, étudiant passé à tabac en août 2024 par d’autres membres de la Fesci. Ces deux événements ont déclenché une série d’enquêtes, aboutissant à l’arrestation de 17 membres du syndicat, dont son leader Sié Kambou, et à l’ouverture de procédures judiciaires pour assassinats et association de malfaiteurs.

Cette série d’actes violents n’est pas un événement isolé dans l’histoire de la Fesci, mais vient s’ajouter à une longue liste d’accusations de violence et de brutalité. Depuis sa création, la Fesci a souvent été critiquée pour ses méthodes musclées et ses luttes internes, que ce soit lors de la tristement célèbre « guerre des machettes » au début des années 2000, où des factions armées s’affrontaient sur les campus, ou plus récemment dans des affaires de racket et de gestion illégale de logements universitaires.

Les opérations de sécurité sur les campus
En parallèle de cette dissolution, les autorités ivoiriennes ont lancé une série d’opérations de sécurisation sur les campus universitaires, visant à expulser les étudiants occupant illégalement des chambres sous le contrôle de la Fesci. Plus de 5 000 personnes ont été délogées de leurs logements à Abidjan, Bouaké et Daloa, où le syndicat exerçait une gestion parallèle des résidences universitaires, percevant des loyers illégaux et profitant de l’occupation des chambres. Le ministère de l’Enseignement supérieur a annoncé la récupération de ces chambres pour les redistribuer aux étudiants dans le cadre d’un processus de réorganisation.

Lors de ces opérations, les autorités ont saisi une grande quantité d’armes blanches, démantelé des commerces illégaux et découvert plusieurs infrastructures illicites, dont une maison close et un tunnel de torture. Ces découvertes ont mis en lumière l’étendue des activités illégales menées sous le couvert du syndicat, renforçant les accusations contre la Fesci de fonctionner comme une organisation criminelle sur les campus.

Un passé entaché de violence et de pouvoir politique
L’influence de la Fesci ne se limite pas aux campus universitaires. Depuis les années 1990, elle a joué un rôle clé dans la vie politique ivoirienne, devenant un véritable bras armé des mouvements politiques. Sous le régime de Laurent Gbagbo, la Fesci a été accusée d’avoir participé à des violences politiques et de servir les intérêts du pouvoir en place. Plusieurs anciens leaders du syndicat ont d’ailleurs poursuivi des carrières politiques influentes, notamment Guillaume Soro, ancien président de l’Assemblée nationale, qui a dirigé la Fesci de 1995 à 1998.

La première tentative de dissolution de la Fesci remonte à 1991, lorsque Alassane Ouattara, alors Premier ministre, avait ordonné sa dissolution en raison de ses méthodes violentes. Cependant, cette décision avait eu l’effet inverse, poussant le syndicat dans la clandestinité et renforçant son emprise sur les campus. Il a fallu attendre 1997 pour que la Fesci soit réhabilitée, sous la présidence d’Henri Konan Bédié, mais son retour s’est accompagné d’une nouvelle vague de violences et de conflits internes.

Des mesures de réforme pour pacifier les campus
Pour accompagner la dissolution de la Fesci, le ministre de l’Enseignement supérieur, Adama Diawara, a annoncé une série de réformes visant à pacifier les campus universitaires. Ces réformes incluent la réhabilitation progressive des infrastructures universitaires et la redistribution des chambres universitaires de manière plus transparente. L’objectif, selon le ministre, est de permettre aux étudiants de poursuivre leurs études dans un environnement apaisé, loin des tensions syndicales qui ont longtemps gangréné les universités ivoiriennes.

Malgré ces mesures, certains observateurs doutent de l’efficacité à long terme de cette dissolution. « Dissoudre la Fesci ne résoudra pas les problèmes de fond », a déclaré Antoine Tiémoko Assalé, député indépendant. Il a appelé à une enquête approfondie sur le fonctionnement des universités et a demandé la démission du ministre de l’Enseignement supérieur, accusé de n’avoir pas pris de mesures suffisantes pour prévenir ces dérives.

Un futur incertain pour les mouvements syndicaux étudiants
La dissolution de la Fesci soulève des questions sur l’avenir des mouvements syndicaux dans les universités ivoiriennes. Certains estiment que la fin de la Fesci pourrait entraîner un vide sur les campus, laissant la place à d’autres groupes violents ou à des tensions nouvelles. D’autres craignent que la répression des syndicats étudiants ne soit perçue comme un geste anti-démocratique, privant les étudiants de moyens d’expression légitimes.

Cependant, pour d’autres observateurs, cette dissolution était devenue inévitable. La violence et les dérives du syndicat, particulièrement visibles ces dernières années, avaient atteint un point de non-retour. La capacité de la Fesci à renaître après chaque crise, comme ce fut le cas dans les années 1990, reste incertaine. Les prochaines semaines seront décisives pour voir si le gouvernement parviendra à maintenir l’ordre sur les campus ou si des résistances émergeront.

© 2024 – Odon Bulamba / LNL News

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Articles les plus populaires

TRANSLATION