Le chef de l’Eglise catholique est arrivé en RD Congo, un pays troublé où le peuple croit que ses souffrances ont été oubliées, reléguées au second plan par des guerres mondiales peut-être plus récentes et plus proches du monde occidental.
Le 31 janvier, des milliers de personnes se sont rassemblées sur l’avenue Lumumba entre l’aéroport de Kinshasa et le palais présidentiel, où le souverain pontife devait se présenter. Leurs yeux étaient remplis de ferveur et de joie, et leurs saluts étaient enflammés.
Des Kinois se sont garés tout au long du parcours, sur les toits et les terrasses des immeubles, et sur les blocs de béton séparant les deux voies, avant de courir vers le convoi partout où c’était possible.
Une fois au palais, le Pape François a assuré les Kinois en particulier et les Congolais en général de sa « proximité » dans un discours prononcé peu après une brève rencontre avec le président Félix Tshisekedi.
« Je suis ici pour vous étreindre et vous rappeler que vous avez une « valeur inestimable », que l’Église et le Pape ont « confiance en vous », qu’ils croient en votre avenir, un « avenir qui soit entre vos mains » et dans lequel vous méritiez de déverser vos dons d’intelligence, de sagacité et d’assiduité ».
Le pape argentin a déploré avec des mots assez durs la situation du pays qui lutte pour « sauvegarder » sa « dignité » et « son intégrité territoriale contre les méprisables tentatives de fragmentation ».
Il a enjoint les Congolais à prendre leur destin en main : « Courage, frère et sœur congolais ! Relève-toi, reprends dans tes mains, comme un « diamant très pur », ce que tu es, ta dignité, ta vocation à garder en harmonie et en paix la maison que tu habites. Revis l’esprit de ton hymne national, en rêvant et en mettant en pratique ses paroles : « Par le dur labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu’avant, dans la paix » ».
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« Cessez d’étouffer l’Afrique, a-t-il déclaré »
Le souverain Pontife a évoqué le « colonialisme économique » en référence à sa vision du monde qui valorise les marges et attribue la responsabilité de la situation parfois désastreuse de certains pays du Sud à la prédation des intérêts économiques. Celui-ci a,selon lui, succédé, au « colonialisme politique », en étant tout « aussi asservissant ».
« Ce pays, largement pillé, ne parvient donc pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources », a-t-il déclaré avant d’ajouter : « Retirez vos mains de la République démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! »
En regardant ce peuple, on a l’impression que la Communauté internationale s’est presque résignée à la violence qui le dévore. « Nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule dans ce pays, depuis des décennies désormais, faisant des millions de morts à l’insu de beaucoup ». « Il faut que l’on sache ce qui se passe ici, que les processus de paix en cours, que j’encourage de toutes mes forces soient soutenus dans les faits et que les engagements soient tenus ».
Il était cependant nécessaire de rechercher des références spécifiques à l’implication de nations étrangères, en particulier du Rwanda, dans le conflit de longue date dans l’est du pays dans ses déclarations parfois cryptiques de mardi, 31 janvier. Le pape François a évoqué « un génocide » en cours en RDC sans préciser à quoi il fait référence.
Contribuer à la paix des pays frontaliers
Trois jours à Kinshasa, la capitale d’un pays à 45% de catholiques, le Pape François rencontrera les autorités ainsi que des déplacés congolais et des victimes des violences perpétrées par des dizaines de groupes armés dans l’est du pays, et où un conflit majeur est mené par les M23, un mouvement rebelle terroriste, soutenu par le Rwanda voisin.
Aujourd’hui, nous voyons l’Église s’élever au-dessus des nations et reprendre un certain rôle sous le pape François. « Historiquement, l’Eglise se voit comme un intermédiaire pour promouvoir la paix ». Ses principales priorités sont la résolution des conflits et le dialogue interculturel. « Il s’intéresse non seulement au spirituel, mais aussi au temporel pour contribuer à la paix », explique Massimo Faggioli, historien catholique à l’université de Villanova aux États – Unis.
L’expert va encore plus loin, prêtant à François des ambitions internationales sans précédent : « Le pape semble se proposer comme un substitut au secrétaire général de l’ONU dans un contexte où ce dernier est totalement effacé. » Et de rappeler son rôle de pacificateur dans le conflit déclenché par l’invasion russe de l’Ukraine, ainsi que sa volonté de maintenir coûte que coûte un dialogue avec la Chine.
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Les pouvoirs publics pointés du doigt
Pour faire avancer la paix en RDC, le Pape a souligné le rôle de l’Eglise catholique dans la sphère politique. Il n’a pas répondu directement au président congolais, Félix Tshisekedi, bien décidé à porter des accusations directes et explicites contre son voisin
Il a su interpeller fermement les Congolais pour qu’ils arrêtent les pathologies ethno-tribales, la corruption des élites politiques, l’institutionnalisation des injustices et des inégalités par des dirigeants qui se comportent comme des loups dans une « bergerie ».
« Dans la société, ce sont souvent les ténèbres de l’injustice et de la corruption qui obscurcissent la lumière du bien », a-t-il ainsi déclaré. Et d’ajouter, citant Saint-Augustin : « Si la justice n’est pas respectée, que sont les Etats, sinon des bandes de voleurs ? ».
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