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Friday, October 18, 2024

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Annulation d’une rencontre clé entre Tshisekedi et l’envoyé de l’UE dans un contexte tendu


Le représentant spécial de l’UE pour la région des Grands Lacs, Johan Borgstam, a rencontré la vice-ministre des Affaires étrangères, Mme Grace Yamba Kazadi © Johan Borgstam/X

Kinshasa — Le président congolais Félix Tshisekedi a brusquement annulé une rencontre attendue avec Johan Borgstam, l’envoyé spécial de l’Union européenne pour la région des Grands Lacs. Cette rencontre, prévue dans le cadre de la première visite officielle de Borgstam en République démocratique du Congo, s’inscrivait dans les efforts diplomatiques visant à apaiser les tensions dans la région. Cependant, l’annulation, officiellement justifiée par un “problème d’agenda”, souligne des relations de plus en plus compliquées entre Kinshasa et Bruxelles, notamment autour du rôle du Rwanda dans le conflit qui ravage l’Est du pays.


Annulation de dernière minute : signe d’une méfiance croissante

Nommé en juillet 2024, Johan Borgstam avait pour mission de renforcer les efforts de médiation dans la région des Grands Lacs, notamment en soutenant les initiatives de paix à Luanda et Nairobi. Sa visite de trois jours à Kinshasa incluait des rencontres avec plusieurs responsables de haut niveau, notamment Gracia Yamba Kazadi, vice-ministre des Affaires étrangères, et Sumbu Sita Mambu, haut représentant du chef de l’État pour le processus de paix de Luanda. Il a également échangé avec les ambassadeurs de l’Union européenne et des États-Unis. Cependant, la rencontre cruciale avec le président Félix Tshisekedi, prévue pour le 9 octobre, n’a jamais eu lieu, une décision prise alors que Borgstam attendait toujours d’être reçu.

Cette annulation, bien plus qu’un simple contretemps diplomatique, intervient dans un contexte de méfiance entre Kinshasa et Bruxelles, particulièrement en raison des désaccords sur la gestion du conflit à l’Est de la RDC. La République démocratique du Congo accuse l’Union européenne de favoriser indirectement l’exploitation des ressources minières du pays par des acteurs extérieurs, dont le Rwanda, un voisin que Kinshasa considère comme complice dans la déstabilisation de l’Est.


Le rôle du Rwanda dans la crise à l’Est

Les tensions entre la RDC et l’Union européenne se sont intensifiées en février 2024, lorsqu’un protocole d’accord a été signé entre Bruxelles et Kigali pour développer des chaînes de valeur dans le secteur des minerais stratégiques. Ce partenariat a été perçu à Kinshasa comme une légitimation des efforts du Rwanda pour profiter des ressources minières de l’Est de la RDC, une région déchirée par des décennies de conflit armé. Le président Tshisekedi, lors d’une conférence de presse tenue peu après l’accord, a dénoncé l’initiative en la comparant à du “recel”, affirmant que l’Union européenne “faisait la guerre par procuration” contre son pays.

Ce différend s’est encore aggravé lorsque l’Union européenne a envisagé d’octroyer une aide financière de 20 millions d’euros à l’armée rwandaise, qui est déployée au Mozambique pour lutter contre une insurrection jihadiste dans la province de Cabo Delgado. Pour Kinshasa, soutenir un pays qu’elle accuse d’agression dans l’Est de la RDC envoie un mauvais signal, et cela a alimenté les tensions avec Bruxelles. La Belgique, soutenue par les Pays-Bas, l’Allemagne et la Suède, a bloqué le financement, insistant sur des conditions liées au rôle du Rwanda en RDC.


Des relations diplomatiques fragiles depuis les élections de 2023

L’annulation de la rencontre entre Tshisekedi et Borgstam rappelle les frustrations qui avaient déjà marqué les relations entre Kinshasa et Bruxelles lors des élections générales de décembre 2023. L’Union européenne, autorisée pour la première fois depuis 2011 à envoyer une mission d’observation électorale, a finalement dû renoncer à son déploiement. Les autorités congolaises ont bloqué certains équipements de la mission, notamment des téléphones satellitaires, suscitant des accusations d’ingérence. Tshisekedi avait publiquement accusé l’UE de vouloir surveiller les élections pour influencer les résultats.

En juillet 2024, les relations diplomatiques ont été encore plus détériorées avec l’imposition par l’Union européenne de sanctions contre plusieurs acteurs impliqués dans le conflit à l’Est. Parmi les figures sanctionnées figuraient Corneille Nangaa, le coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo, un mouvement allié aux rebelles du M23, et des officiers des Forces rwandaises de défense, accusés d’appuyer directement les activités du M23. Ces mesures n’ont cependant pas suffi à rassurer Kinshasa, qui demande des actions plus fermes contre Kigali et son rôle présumé dans la déstabilisation de l’Est du Congo.


Un dilemme pour l’Union européenne

La situation met l’Union européenne dans une position délicate. Bruxelles doit jongler entre son soutien à l’intervention rwandaise au Mozambique, où l’armée rwandaise joue un rôle clé dans la lutte contre les jihadistes, et les accusations croissantes contre Kigali concernant son implication dans la crise en RDC. Le président Tshisekedi, quant à lui, n’a cessé de faire pression pour obtenir des sanctions internationales plus sévères contre le Rwanda, tout en appelant à une plus grande reconnaissance de la souveraineté de la RDC sur ses ressources naturelles.

Avec Johan Borgstam désormais à Kigali pour poursuivre ses discussions diplomatiques, l’annulation de sa rencontre avec Tshisekedi laisse planer le doute sur l’avenir des relations entre la RDC et l’UE. Alors que les tensions géopolitiques s’accentuent, une réconciliation rapide semble improbable. La question clé pour Bruxelles reste de savoir comment maintenir son engagement en faveur de la stabilité régionale sans aggraver davantage ses relations avec Kinshasa.

© O Bulamba / ADR

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