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Friday, September 27, 2024

FELIX TSHILOMBO ET L’IMPOSSIBLE RESTRUCTURATION DANS LES FORETS CONGOLAISES

Dans les coulisses du pillage : Le président congolais a promis de mettre de l’ordre dans le secteur forestier du pays. Mais, au milieu du chaos, a-t-il la capacité de rassurer les donateurs et éventuels investisseurs ?

Avec près de 120 chefs d’État et de gouvernement réunis à Glasgow début novembre 2021, la COP26 premier grand rendez-vous international après la crise du Covid-19  a tenu sa promesse de réunir les décideurs les plus puissants du monde. Félix Tshisekedi, le président de la République démocratique du Congo et de l’Union africaine pour encore quelques semaines, a multiplié les engagements bilatéraux jusqu’à son départ pour Kinshasa le 3 novembre. Il a profité de son apparition pour signer un engagement décennal pour la protection de la forêt de la RDC avec le Premier ministre Boris Johnson au nom du conseil d’administration de l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI). En marge d’une réunion sur l’accélération de l’adaptation en Afrique qu’il a co-présidée avec Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD), le 2 novembre, le président congolais a échangé avec John Kerry, l’envoyé spécial du président pour le climat.

Depuis des mois, la date était inscrite sur les cahiers de l’ambassade congolaise. Ministres, conseillers, et ambassadeurs, pour ne citer qu’eux… Le 2 novembre 2021, la délégation qui arpentera les allées du Scottish Event Campus à Glasgow aux côtés de Félix Tshisekedi est pléthorique. La COP 26 doit être l’apogée du mandat du président congolais à la présidence de l’Union africaine (UA). La concrétisation du « retour de la RDC » sur la scène internationale, selon Kinshasa. Pendant des semaines, les éléments de langage ont été travaillés. Avec ses forêts, ses tourbières, son eau et ses ressources minérales critiques, mon pays se présente comme un pays solution à la catastrophe climatique, déclare avec audace Félix Tshisekedi depuis la tribune. C’est une chose sur laquelle tout le monde est d’accord. Année après année, l’état des forêts du continent se détériore. Les causes de cette déforestation rapide sont nombreuses. L’un d’eux est le trafic de bois précieux (kevazingo, bois de vène, ou rose). Entre 50 et 90 % seraient exportés illégalement. Partout, les bonnes intentions des autorités sont mises à l’épreuve par certains faits, comme l’avarice de certains et la difficulté à faire appliquer la loi. Ce business, organisé par des réseaux criminels voire mafieux avec l’aide de quelques acteurs locaux, alimente les marchés asiatiques, particulièrement friands de ces espèces peu communes. Parce que la RDC abrite la majorité de la forêt du bassin du Congo, deuxième poumon du monde, le discours a une certaine allure. Cependant, des allégations de corruption et de mauvaise administration nuisent à la gestion du secteur forestier congolais depuis plusieurs années.

A la suite de cette immense déroute diplomatique, le chef de l’Etat est conscient qu’il sera rencontré au tournant. Sous le regard attentif de ses homologues américains et gabonais, Joe Biden et Ali Bongo Ondimba, il jure : Nous essayons de mener des activités qui permettent non seulement la préservation de nos forêts mais aussi leur administration efficace. Si le président congolais était jusqu’ici resté silencieux sur la question de la gouvernance forestière, il avait pris soin de préparer le terrain en amont. Félix Tshisekedi avait demandé à sa ministre de l’Environnement, Eve Bazaiba Masudi, deux semaines avant la COP 26 de faire un inventaire technique et financier de toutes les concessions forestières de la RDC et d’arrêter tous les contrats problématiques jusqu’au résultat d’un audit. Compte tenu des enjeux, la mission était tout sauf simple. Felix Tshisekedi a signé une déclaration d’intention avec le Premier ministre britannique Boris Johnson à Glasgow, ainsi qu’un accord de financement de 500 millions de dollars sur cinq ans avec la Central African Forest Initiative (CAFI), visant à améliorer la protection de la forêt congolaise. Pourtant, six mois après la signature de ce “pacte historique”, peu d’avancées ont été faites dans les obligations des différentes parties, notamment dans l’accomplissement de nombreux jalons politiques d’ici mi-2022. La publication d’un rapport de l’Inspection générale des finances était l’une de ces exigences (IGF). Il a été publié en 2020 sous l’administration de Sylvestre Ilunga Ilunkamba et dresse un état des lieux de la gestion du secteur forestier congolais depuis 2014. Avant fin 2021, ce document devait être rendu public.

Cependant, le délai initial n’a pas été respecté. Au-delà des frontières, Le trafic favorise des intermédiaires louches travaillant pour les gouvernements sénégalais et gambien. Ce trafic à mi-chemin entre le financement de la guerre et la criminalité en col blanc génère des richesses massives, profitant d’intermédiaires véreux au sein des systèmes publics sénégalais et gambien, versant une dîme aux rebelles du MFDC : Selon le directeur exécutif d’Interpol, Tim Morris, « ceux qui entre 51 et 152 milliards de dollars par an. Les renseignements soumis à Interpol révèlent que les canaux et les méthodes utilisés dans le commerce illicite du bois sont les mêmes que ceux utilisés dans le commerce illégal de la drogue et le commerce des espèces protégées, a-t-il déclaré.

Dans un récent sondage, la BBC a déclaré : « La soif vorace de bois de rose de la Chine soutient ce commerce ». Une chose est sûre une fois travaillée, les troncs coupés illégalement se retrouvent dans les magasins de meubles chinois. Entre 2017 et 2019, 600 000 tonnes de bois de rose, l’équivalent d’un million d’arbres, ont été expédiées en Chine par voie maritime, pour un coût de 300 millions de dollars. Les trafiquants ont arraché le butin écologique de la forêt sénégalaise avec une indifférence irresponsable. L’une des raisons de la visite du ministre britannique de l’environnement en RDC fin mars était de remédier à ce retard. Il n’y a pas eu d’évolution depuis novembre, a déclaré Zac Goldsmith, qui était venu constater que les “grandes promesses” faites à Glasgow étaient tenues. La transparence est un facteur vital lorsque vous avez un partenariat avec différentes parties comme celle-ci, a-t-il déclaré. Contactée, Eve Bazaiba confirme que la divulgation de ce document a été motivée par une demande de l’administration de l’ancien Premier ministre. Nous ne l’avons pas rendu public concernant le deal CAFI, affirme le vice-Premier ministre, revendiquant un plus grand contrôle sur la gestion future de l’argent CAFI. Pour défendre son palmarès, elle déclare : En juillet dernier, j’ai lancé un plan en dix points pour améliorer la gouvernance forestière. « Laxisme extrême » et « échec complet » sont deux mots qui me viennent à l’esprit.

Suite à la visite d’un ministre britannique, le rapport a finalement été rendu public le 1er avril. Cependant, je ne suis pas convaincu que ce document de 83 pages rassurera les donateurs de CAFI, car la description de l’IGF brosse le tableau d’un secteur chaotique. En théorie, la RDC a un cadre législatif en place pour régir l’exploitation forestière. Il repose sur deux écrits parus en 2002. D’une part, un code destiné à contrôler, encadrer et faire profiter l’État de la gestion forestière. Un moratoire sur l’octroi de concessions supplémentaires, en revanche. L’IGF dénonce les infractions persistantes au code forestier, ainsi que l’interdiction de nouvelles concessions. Cela conclut la théorie. En pratique, l’IGF dénonce dans son rapport les violations persistantes de ces deux textes par l’administration forestière, notamment le moratoire. L’étude est sévère, allant des concessions rétrocédées à l’Etat (…) et redistribuées en violation tant du moratoire que des articles pertinents du code forestier au recours systématique au gré à gré des ministres successifs. Selon le journal, dix-huit concessions rendues au domaine privé de l’Etat ont été délivrées en violation du moratoire. Le Code forestier de 2002 a également été conçu pour aider le gouvernement congolais à tirer le meilleur parti des ressources forestières du pays, principalement par l’imposition d’un certain nombre de redevances. Mais, vingt ans plus tard, le rapport de l’IGF met en lumière “l’extrême laxisme” et “l’échec complet” de l’administration dans le cadre des droits dus à l’Etat par les exploitants forestiers. L’exécution de ces lois a été “sélective, voire sentimentale et capricieuse”, selon les inspecteurs, privant l’Etat de toute garantie de paiement contre les opérateurs défaillants.

Jules Alingete Key, le chef de l’Inspection générale des finances, est une figure clé du système de Félix Tshisekedi. Il poursuit les auteurs de détournement de fonds publics au nom du président. L’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo est la cible la plus récente. Il est impossible de quantifier la carence du gouvernement congolais dans ce secteur actuellement. Cependant, le problème semble concerner la majorité des acteurs, puisque le bureau anti-corruption affirme que seuls quatre des quarante-cinq opérateurs nommés ont payé partiellement la redevance de superficie, qui est l’une des redevances du code forestier. À elles seules, les entreprises Congo King Baisheng Forestry Development, Congo Sunflower Forestry Development et Maniema Union perdraient 3 139 765 USD (près de 3 millions d’euros). Plusieurs rapports d’ONG ont pointé du doigt ce dernier, également soupçonné d’avoir bénéficié d’un “favoritisme délibéré” dans l’attribution d’une dizaine de concessions forestières. Certains donateurs ont-ils été découragés par ces découvertes ? En tout cas, la majorité des partenaires de CAFI ont refusé de les commenter. La sortie de l’étude démontre que les autorités congolaises ont une volonté politique. Découvrir certaines composantes une fois le processus de mise en place de l’accord plus avancé aurait été plus difficile, estime un diplomate d’un des grands bailleurs de CAFI. Les concessions ont été suspendues, selon Eve Bazaiba. Diverses organisations non gouvernementales (ONG) surveillant la situation ont demandé des sanctions contre les anciens ministres, responsables de l’administration et propriétaires de concessions nommés dans l’étude. . Le manque d’ouverture du secteur forestier ainsi que le non-paiement des taxes. Nous regrettons que le rapport n’ait pas couvert la période après 2020, car la situation n’a pas changé, déclare Irène Wabiwa Betoko, chef de projet de la campagne forêt de Greenpeace.

Eve Bazaba est en première ligne, elle a participé aux délibérations qui ont abouti à la signature de l’accord du réveillon en tant que présidente du Front pour le respect de la Constitution, une plateforme politique fondée en octobre 2016 autour du MLC. Elle menace de fermer la porte aux négociations à plusieurs reprises. Ce n’est qu’à la demande de Jean-Pierre Bemba, qui est encore assez en vue malgré la distance, que cela s’est produit. Une participante aux négociations confirme qu’elle a finalement signé le document final. C’était une décision commune, nous avions tous les droits des réserves sur ces accords, explique un proche de ce dernier. Nous devons nous unir pour défendre le pays. Dans les semaines qui ont suivi, elle a fait part de son opposition à un membre du Rassemblement d’Étienne Tshisekedi à la tête du Conseil national de suivi de l’accord (CNSA), l’organisme chargé de vérifier le respect du compromis du gouvernement, qui aspire à prendre les devants. Il s’oppose également à l’entrée du MLC au gouvernement. Suite à l’échec de l’opposition à se regrouper autour d’un candidat unique en 2018, elle se démarque une fois de plus en décriant “l’emprise électorale” et la “tricherie” qui, selon elle, ont conduit à l’élection de Félix Tshisekedi. Elle fut aussi la première à parler d’une opposition incorruptible. Ce n’était évidemment qu’une pose. A-t-elle alors reculé d’un pas et baissé les bras ? Certains de ses anciens alliés de l’opposition lui reprochent d’avoir finalement succombé au chant de séduction de la majorité en acceptant un maroquin ministériel. Elle a été la première à parler d’une opposition incorruptible après les accords du 31 décembre 2016. Le même scénario s’est produit en 2018, après l’élection présidentielle.  Clairement, ce n’était qu’une prise de position, ajoute un ancien allié.

Reconnaissant les critiques, La ministre réitère qu’elle vient de suivre l’agenda de son parti. Ces insultes ne me dérangent pas, conclut-elle. Tout le monde est au courant des événements de 2018. La démarche du MLC a été de faire valoir qu’après deux ans de chaos où Tshisekedi et les coalitions de Kabila ont essayé de gouverner ensemble, il fallait s’unir pour sauver le pays. C’est, à mon avis, une décision politique louable. Le ministère congolais de l’Environnement assure que des mesures ont été prises pour répondre aux conclusions de l’IGF. Deux décrets récents, que Jeune Afrique a pu revoir : le premier, signé le 5 avril, autorise la suspension de douze concessions forestières totalisant environ 2 millions d’hectares à titre conservatoire, comme l’indique le rapport de l’agence dirigée par Jules Alingete. Le ministre a déjà annulé six concessions accordées à Tradelink en décembre 2021. Cependant, parce que cette étape a été mise en œuvre tardivement et en réponse aux avertissements de plusieurs ONG, elle a suscité quelques inquiétudes. Greenpeace Afrique a également estimé que la suspension par l’IGF de “seulement” douze concessions équivalait à un “service minimum”. La deuxième décision, signée par Eve Bazaiba le 20 avril, forme un panel de seize membres chargés d’évaluer l’ensemble des contrats de concession d’exploitation et de conservation forestière de la RDC à ce jour. Son mandat de trois mois comprend « la proposition de poursuites judiciaires contre les sociétés détenant de faux contrats de concession forestière » et « l’imposition d’amendes aux opérateurs qui ne sont pas en règle ». Une autre question qui inquiète les donateurs et les écologistes est la possibilité de lever l’embargo sur l’octroi de concessions forestières. C’est l’une des dix mesures d’Eve Bazaiba pour la “gestion durable des ressources naturelles” dévoilées en juillet 2021. La levée du moratoire est pourtant perçue par de nombreuses ONG et bailleurs de fonds comme incompatible avec l’assainissement du secteur.

La levée du moratoire entraîne la vente des forêts congolaises aux partenaires. Cependant, toutes les fausses concessions d’aujourd’hui ont été accordées dans le cadre de ce moratoire, explique Eve Bazaiba, qui insiste pour l’abroger par décret. Si le moratoire est levé, il faudra un autre mécanisme pour le remplacer, reconnaît-on au sein de la chancellerie d’un des partenaires de la CAFI. L’administration a retenu les services de Brian Ballard, un proche allié de Donald Trump, et son activité de lobbying. Il n’y a actuellement aucun calendrier fixé pour le décaissement des 500 millions de dollars alloués à cet effort. La première semaine de mai verra une réunion du comité exécutif de CAFI. Cela nous permettra de déterminer si davantage de garanties sont nécessaires suite au rapport de l’IGF, prévient l’un des partenaires. Les responsables congolais, choisis pour organiser la pré-Cop 27, semblent déterminés à communiquer malgré leur course. Le gouvernement a engagé le 11 mars la société de lobbying Ballard Partners, formée par Brian Ballard, un proche de Donald Trump.

© REDACTION LEO NJO LEO NEWS

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