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Guinée : Doumbouya face au défi de la transition électorale

Président interimaire de la Guinée, Mamadi Doumbouya. (AFP/John Wessels)

À Conakry, la tension monte alors que la Guinée attend un référendum constitutionnel crucial pour une éventuelle présidentielle en 2025. Mamadi Doumbouya, président de la transition depuis le coup d’État de 2021, voit son pouvoir se renforcer dans un contexte d’instabilité croissante et de scepticisme général. L’avenir politique de la Guinée reste incertain, marqué par des retards électoraux, une répression croissante, et des ambitions voilées du chef de la junte.

Les promesses retardées du référendum et l’impasse électorale

La Guinée devait organiser un référendum constitutionnel avant la fin de 2024, prérequis pour une élection présidentielle en 2025. Pourtant, l’organisation de ce vote semble de plus en plus improbable. En juillet, le Conseil national de la transition (CNT) a présenté un avant-projet de Constitution, censé marquer un tournant pour le pays. Cependant, selon les experts, il est quasiment impossible que le scrutin ait lieu dans les délais promis. « Un référendum nécessite au moins six mois de préparation, et la Guinée a déjà accumulé trop de retards », expliquent-ils.

Depuis le coup d’État du 5 septembre 2021, qui a renversé l’ancien président Alpha Condé, Mamadi Doumbouya a promis un retour à l’ordre constitutionnel, mais les retards s’accumulent. En décembre 2023, Doumbouya avait exprimé sa volonté de tenir des élections avant 2025. Toutefois, la lenteur des préparatifs, notamment l’absence d’un organe électoral valide et la réticence à utiliser le fichier électoral de 2020, créent des doutes sur la faisabilité de cette promesse. Certains observateurs craignent que les autorités ne soient pas réellement engagées dans un retour rapide à la démocratie.

Tensions politiques et contestation grandissante

Parallèlement aux incertitudes électorales, la pression monte à Conakry. Le climat politique est de plus en plus tendu, avec des manifestations sporadiques, bien que faiblement suivies. Les forces vives de la nation, une coalition de partis d’opposition et d’organisations de la société civile, tentent de mobiliser la population pour exiger le rétablissement de l’ordre constitutionnel et la libération de figures clés de l’opposition comme Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah. Ces deux militants ont disparu en juillet 2024, et leurs proches sont toujours sans nouvelles.

En septembre, la mort en détention du colonel Célestin Bilivogui, arrêté après l’évasion de Moussa Dadis Camara en novembre 2023, a encore exacerbé les tensions. À cela s’ajoutent des échanges de tirs non expliqués près du palais présidentiel, alimentant un climat de méfiance à Conakry. Cette instabilité, à peine trois ans après le coup d’État, laisse planer le doute sur la capacité de la junte à organiser une transition démocratique réussie.

Une répression accrue et un contrôle resserré des médias

Face à la contestation, Mamadi Doumbouya n’a pas hésité à utiliser des mesures répressives. La fermeture de plusieurs médias privés critiques à l’égard du régime et l’interdiction des manifestations témoignent du raidissement du pouvoir. La Haute autorité de la communication (HAC) a accusé certaines chaînes de médias de collusion avec la junte, justifiant ainsi leur fermeture. « Même sous Alpha Condé, je n’ai jamais ressenti une telle pression », témoigne Boubacar Sanso Barry, un journaliste local.

La répression touche aussi la liberté d’expression, avec des journalistes qui se disent plus précautionneux que jamais. Certains estiment que la Guinée est entrée dans une période où le régime cherche à museler toute critique pour maintenir son emprise sur le pouvoir. La répression s’étend également aux manifestations publiques, que les autorités justifient par la nécessité de prévenir toute tentative de déstabilisation. « Dans un pays où les armes circulent, les manifestations peuvent aggraver les tensions », justifie une source proche du gouvernement.

Les ambitions cachées de Mamadi Doumbouya

Alors que le climat politique se durcit, les critiques envers Mamadi Doumbouya se multiplient. Plusieurs observateurs estiment que le général, qui avait promis de ne pas se maintenir au pouvoir à la fin de la transition, manœuvre pour rester à la tête de l’État. Le projet de nouvelle Constitution, présenté en août 2024, bien que promettant de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, laisse la porte ouverte à une candidature de Doumbouya. Le texte inclut également la possibilité de se présenter en tant que candidat indépendant, une disposition perçue comme une ouverture à une candidature du chef de la junte.

Certains critiques, dont l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, voient dans cette démarche une stratégie claire de Doumbouya pour s’assurer une place dans les futures élections. « Nous allons appeler à voter non lors du référendum si ces verrous ne sont pas rétablis », a déclaré Diallo, faisant référence à l’absence de disposition interdisant aux membres du CNRD de participer aux élections.

Le poids des relations internationales et le soutien de l’OIF

Sur la scène internationale, la réintégration de la Guinée au sein de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) en septembre 2024, après trois ans de suspension, a marqué un tournant. Conakry a réussi à regagner la confiance de la communauté internationale grâce à un intense lobbying. Pourtant, cette réintégration n’efface pas les doutes concernant les libertés publiques et les droits humains. L’OIF a rappelé la nécessité pour la Guinée de poursuivre ses efforts dans ces domaines.

Dans le même temps, la Guinée reste sous le regard attentif de partenaires étrangers, en particulier en ce qui concerne l’exploitation de ses richesses minières. Le projet de Simandou, un gigantesque gisement de fer, est au cœur de cette attention. Mamadi Doumbouya a fait plier certaines entreprises minières pour qu’elles respectent les nouvelles règles sur le contenu local. Ce projet pourrait doubler le PIB guinéen dans les années à venir, mais il est également perçu comme une manœuvre de la junte pour s’assurer des ressources financières cruciales.

Le projet Simandou : levier économique et politique

Le projet Simandou est devenu un enjeu économique et politique central pour le régime de Mamadi Doumbouya. Officiellement, l’objectif est de respecter le code minier et de faire en sorte qu’une partie de la transformation des matières premières soit réalisée sur place. Cependant, plusieurs experts notent que les organes chargés de la gestion des fonds générés par ce projet sont directement rattachés à la Présidence, renforçant ainsi l’emprise de Doumbouya sur ces ressources.

Les entreprises minières impliquées, bien que toujours présentes, commencent à exprimer des inquiétudes quant à la stabilité du cadre réglementaire. Si ce projet semble être une planche de salut pour l’économie guinéenne, il est aussi perçu comme un moyen pour Doumbouya de prolonger son autorité et de financer les ambitions politiques de son régime.

Un climat de peur et de méfiance au sein du CNRD

Au sein même du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), les dissensions internes se multiplient. La mort inexpliquée de figures militaires, comme Sadiba Koulibaly, et l’enlèvement de militants de la société civile ne font qu’alimenter le climat de suspicion. Plusieurs membres du régime, y compris des militaires, ont demandé l’asile pour leur famille auprès de pays comme la France, la Belgique ou le Canada.

Mamadi Doumbouya, autrefois perçu comme un libérateur, semble aujourd’hui isolé. Ses bains de foule se font rares, et ses sorties publiques sont marquées par une sécurité renforcée. Les divisions internes au CNRD risquent de paralyser la transition, alors que les rivalités entre Doumbouya et d’autres figures influentes, comme Claude Pivi, suscitent des tensions au sein de l’armée. Ces divisions pourraient compromettre la tenue sereine des élections et menacer la stabilité du régime.

Conclusion : une transition sous haute tension

À l’approche de 2025, la Guinée se trouve à un carrefour décisif. La transition, initiée il y a trois ans, semble s’enliser dans les retards, les tensions politiques et les ambitions voilées de son chef de la junte. Si Mamadi Doumbouya continue de promettre un retour à l’ordre constitutionnel, son régime est de plus en plus critiqué pour sa répression et son manque de transparence.

Les élections, censées marquer la fin de la transition, restent incertaines. Le référendum constitutionnel prévu d’ici la fin de l’année sera un test décisif pour le régime. Si la transition échoue à conduire la Guinée vers une démocratie apaisée, cette période pourrait devenir l’une des plus tumultueuses de l’histoire politique récente du pays. La question reste entière : Mamadi Doumbouya saura-t-il quitter le pouvoir comme promis, ou utilisera-t-il les élections pour s’y maintenir ?

© 2024 – LNL News, Jacques Mitshima

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