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Friday, September 27, 2024

Jacaranda : l’exploration du silence familial et identitaire au Rwanda

Plus qu’un simple roman, Jacaranda est une « réflexion sur la nécessité de raconter, de partager et de sauvegarder ce qui pourrait autrement sombrer dans l’oubli ». Gaël Faye, en poursuivant son parcours littéraire avec Jacaranda, continue de s’inscrire dans une démarche artistique où les mots deviennent des outils de libération, tant pour l’individu que pour les communautés marquées par des tragédies historiques. Après le succès retentissant de Petit Pays (2016), roman qui a retracé les expériences d’un jeune garçon pris entre deux mondes, Faye approfondit son « exploration du silence familial et des non-dits » qui façonnent l’identité dans un contexte post-génocide rwandais.

L’écrivain utilise l’écriture comme un moyen de combler les vides laissés par le non-dit, offrant à ses lecteurs une exploration profonde des mécanismes de la mémoire, de l’oubli et de la transmission. Il s’agit d’une œuvre à la fois personnelle et universelle, qui réaffirme la puissance de la littérature face au silence et à l’amnésie collective.

Le silence comme héritage

Dans Jacaranda, Faye interroge la manière dont le silence, tant à l’échelle familiale que nationale, a étouffé la possibilité de réconciliation, non seulement avec le passé, mais aussi avec soi-même. Ce silence est symbolique de nombreuses familles rwandaises, où les générations post-génocide se trouvent souvent en rupture avec leur histoire. Le génocide des Tutsis de 1994, événement fondateur du traumatisme national rwandais, n’est pas simplement un sujet historique pour Faye, mais un miroir pour révéler les failles profondes dans la transmission de l’identité. Comme il le dit dans Jacaranda, « chez nous, on ne raconte pas l’histoire de la famille. Résultat, on ne sait rien, et les vies s’éteignent avec ceux qui les portent ».

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Cette absence de récit collectif et familial est pour Faye un obstacle à la résilience. Il met en lumière une fracture générationnelle, où les enfants héritent non seulement du silence, mais aussi du poids des traumatismes non exprimés. L’absence de récits intergénérationnels devient une forme de « perte d’identité, un fléau plus large qui frappe ceux qui grandissent dans l’ombre des événements historiques majeurs ». Par l’écriture, Faye semble se positionner comme un passeur de mémoire, comblant les lacunes laissées par cette chape de silence.

La thérapie par les mots

Pour Gaël Faye, l’écriture semble jouer un rôle cathartique, une forme d’autothérapie à la fois personnelle et collective. L’artiste fait de sa plume un vecteur de réhabilitation du passé et un outil pour reconstruire ce qui a été perdu dans les méandres du silence. Cette démarche s’inscrit dans une tradition littéraire où les mots servent à briser des tabous, à lever des non-dits et à redonner une voix à ceux qui ont été réduits au silence par les tragédies de l’Histoire. À travers Jacaranda, il interroge la nature même de la mémoire et de la transmission, rappelant l’adage selon lequel « les paroles s’envolent et les écrits restent ». Cependant, Faye va plus loin en se demandant ce qu’il advient lorsqu’il n’y a ni paroles ni écrits, lorsque la transmission est rompue.

Ce questionnement pousse à une réflexion sur le rôle de l’artiste et de l’auteur dans la société. Faye se voit comme un dépositaire des récits enfouis, ceux qui n’ont jamais été écrits ou exprimés. En redonnant voix à ces silences, il contribue à la guérison collective. En ce sens, son écriture est un acte militant, qui vise à sauvegarder la mémoire des tragédies et des souffrances, tout en offrant une voie vers la réconciliation.

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Entre France et Rwanda : une fresque identitaire

L’œuvre de Gaël Faye est marquée par une dualité identitaire profonde, issue de son propre parcours, entre la France et le Rwanda. Cette biculturalité, que l’on retrouvait déjà dans Petit Pays, est également présente dans Jacaranda. Faye y met en scène des personnages pris entre deux mondes, l’un africain, marqué par les traumatismes du génocide, et l’autre européen, où la distance géographique n’efface pas la douleur des événements historiques. Cet entre-deux, souvent inconfortable, révèle une quête identitaire complexe, où les personnages tentent de réconcilier leurs origines avec leur présent.

À travers cette fresque, Faye soulève des questions essentielles sur l’appartenance et l’exil, non seulement géographique mais aussi émotionnel. L’identité n’est pas seulement une question de lieu, mais de mémoire, et lorsqu’il manque des éléments clés à cette mémoire, les individus se trouvent en quête perpétuelle de sens. Jacaranda reflète cette tension entre l’oubli et la nécessité de se souvenir, non seulement pour soi, mais pour les générations futures.

La quête du sens par l’écriture

Pour Faye, l’écriture est donc une quête de sens, une manière de redonner de la substance à des vies fragmentées par le silence. Il s’inscrit dans une lignée d’auteurs de la diaspora qui interrogent leur héritage africain à travers le prisme de l’exil et de la mémoire. En explorant la dimension universelle du silence familial, il touche à des questions fondamentales sur la manière dont les sociétés se reconstruisent après des événements traumatiques.

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Par son style, à la fois poétique et direct, Faye crée un pont entre l’individuel et le collectif. Il rappelle que chaque histoire personnelle est indissociable de l’histoire collective, et que les blessures intimes ne peuvent être guéries sans une reconnaissance du passé à l’échelle nationale. Ce faisant, Jacaranda résonne au-delà du contexte rwandais, invitant le lecteur à réfléchir sur ses propres silences et les récits familiaux qu’il pourrait porter.

Carine Mbombo

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