Dans le nord du Mali, la situation s’intensifie alors que l’armée malienne, appuyée par les mercenaires russes du groupe Wagner, s’apprête à lancer une opération militaire majeure contre les rebelles touaregs du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA). Le 29 septembre, une colonne de 70 véhicules, dont 45 blindés, a quitté Kidal en direction de Tinzawaten, bastion des rebelles à la frontière algérienne. Cette offensive vise à laver l’affront subi par les Forces armées maliennes (Fama) à la fin juillet, lorsque leur convoi a été pris en embuscade par les forces rebelles, entraînant la mort de 47 soldats maliens et 84 mercenaires russes, la plus grande défaite de Wagner en Afrique.
La Bataille Sur Les Réseaux Sociaux
Alors que les forces armées maliennes progressent lentement vers Tinzawaten, les tensions montent sur les réseaux sociaux. Des membres du CSP-DPA, la coalition des groupes rebelles du nord du Mali, multiplient les provocations contre leurs adversaires. Sur X (anciennement Twitter), les combattants se moquent des Fama et de Wagner, publiant des photos et des vidéos montrant des véhicules en panne et des combattants reposant dans des conditions précaires. L’une des publications ironise : « Nous sommes fatigués de dormir et d’attendre ces idiots peureux. » Ce ton moqueur reflète une dynamique psychologique qui s’inscrit dans une stratégie plus large de guerre hybride où la communication est aussi importante que les affrontements militaires.
De l’autre côté, les partisans de Wagner, sur Telegram, expriment leur frustration face à ce qu’ils considèrent comme des erreurs stratégiques. Des véhicules en panne, un approvisionnement en eau et en vivres plus compliqué que prévu, et surtout la divulgation de leur position par les Fama sur les réseaux sociaux, ont contribué à faire monter la tension au sein du convoi. « Ces idiots de Fama continuent de poster leur localisation sur Twitter, même lors des arrêts », critique un compte pro-Wagner. Depuis, des téléphones ont été confisqués pour éviter de compromettre l’opération.
Renforcement Militaire Et Alliances Régionales
Cette fois-ci, les autorités maliennes ont mis en œuvre d’importants moyens militaires pour maximiser leurs chances de succès. En plus des hélicoptères et des drones turcs Bayraktar TB2, des drones Akinci, fournis par le Burkina Faso, ont été mis à disposition pour appuyer l’opération. Les forces armées nigériennes, également membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont acheminé du matériel et des munitions jusqu’à la base militaire de Kidal. De plus, des milices touarègues pro-gouvernementales, telles que le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) et le Mouvement pour le salut de l’Azawad-D, apportent leur soutien aux Fama en leur fournissant des guides indispensables à la navigation dans ce territoire difficile.
Soucieuse de ne laisser aucune faille, Bamako a également renforcé la sécurité à la frontière sud de la Libye, en collaboration avec les forces du maréchal Khalifa Haftar, afin d’empêcher l’arrivée de renforts touaregs en soutien aux rebelles. Cette mobilisation montre l’importance stratégique de la bataille à venir pour le contrôle de cette région du nord du Mali.
Les Leçons De La Défaite de Juillet
Le 26 juillet, lors d’une embuscade tendue près de Tinzawaten, les forces maliennes et leurs alliés russes ont subi leur plus grande défaite sur le sol africain. Selon le CSP-DPA, 47 soldats maliens et 84 mercenaires russes ont perdu la vie, un coup dur pour Wagner, dont la réputation de machine de guerre invincible a été sévèrement écornée. Cette débâcle a marqué un tournant psychologique dans le conflit. Wagner, connu pour ses stratégies de guerre hybride incluant des opérations d’influence, semble avoir perdu de son avantage dans la communication.
Les rebelles, eux, ont su retourner cette situation à leur avantage, utilisant la défaite de Wagner pour galvaniser leurs troupes et rappeler à leurs ennemis leur vulnérabilité. Des vidéos de mercenaires russes capturés et tués ont circulé sur les réseaux sociaux, renforçant l’idée que l’invincibilité de Wagner n’est plus qu’un mythe. Le CSP a même exhibé des armes prises aux mercenaires russes, comme un lance-grenade AGS-17, tout en se moquant de leurs adversaires sur des playlists de musique touarègue partagées sur X pour accompagner les mercenaires dans leur « danse macabre » du désert.
Les Nouveaux Défis Technologiques : La Guerre Des Drones
Les forces armées maliennes misent de plus en plus sur les drones pour compenser leurs lacunes sur le terrain, une stratégie qui a pris une place centrale dans la guerre au Sahel. Après la défaite de juillet, Bamako a riposté avec des frappes de drones sur les abords de Tinzawaten, visant des « terroristes », selon les autorités maliennes. Toutefois, le CSP et l’Algérie ont dénoncé des « victimes civiles » dans ces frappes, exacerbant les tensions entre Bamako et Alger.
Le recours croissant aux drones dans le Sahel pose des questions stratégiques et éthiques. Si ces engins offrent des avantages indéniables, comme la réduction des pertes humaines côté malien, ils risquent de creuser davantage le fossé entre l’État central et les populations locales, souvent victimes collatérales des frappes. En outre, cette dépendance technologique ouvre une nouvelle voie à des alliances internationales. En se tournant vers la Turquie pour l’acquisition de drones armés, le Mali, comme le Burkina Faso et le Niger, s’éloigne de ses partenaires traditionnels, comme la France, et tisse des liens plus étroits avec Ankara.
Un Conflit Aux Enjeux Multiples
La bataille de Tinzawaten ne se résume pas seulement à un affrontement militaire, elle est le reflet de luttes géopolitiques plus larges. Pour la junte malienne dirigée par Assimi Goïta, il est essentiel de restaurer la souveraineté nationale sur les régions du nord, longtemps contrôlées par les rebelles touaregs. La prise de Kidal en novembre 2023 a été un symbole de cette reconquête, mais les défis restent immenses, alors que des zones entières du pays demeurent sous la coupe des groupes jihadistes.
Le CSP, de son côté, ne s’avoue pas vaincu. Ses combattants continuent de résister farouchement, bien conscients que l’issue de cette bataille pourrait déterminer l’avenir de la rébellion touarègue et des ambitions indépendantistes de l’Azawad. Dans ce contexte, la guerre des nerfs sur les réseaux sociaux et les provocations des deux camps ne sont que la partie émergée d’un conflit bien plus profond, où chaque erreur pourrait s’avérer fatale.
Odon Bulamba
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