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RDC : Révision de la Constitution, Félix Tshisekedi à la Croisée des Chemins

Alors que la République Démocratique du Congo (RDC) s’apprête à entrer dans une nouvelle phase politique, le débat sur une éventuelle révision de la Constitution fait rage. Six mois après le début de son second mandat, le président Félix Tshisekedi fait face à des attentes croissantes, mais aussi à des critiques concernant la gestion de son pouvoir. La question d’une réforme constitutionnelle, longtemps considérée comme un sujet tabou, est revenue au cœur de l’actualité, portée par son entourage politique.

Un appel à la réforme constitutionnelle : Augustin Kabuya relance le débat

Le 29 septembre dernier, Augustin Kabuya, secrétaire général de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), s’est adressé à ses partisans dans un quartier populaire de l’est de Kinshasa, déclenchant une nouvelle polémique. Il a exprimé la nécessité de revoir certaines dispositions de la loi fondamentale. « J’étais informateur. J’ai remarqué les lacunes de cette Constitution », a-t-il déclaré, en faisant référence à son rôle précédent dans la formation de la majorité parlementaire après la réélection de Tshisekedi en décembre 2023.

Pour Kabuya, le président Tshisekedi aurait déjà perdu six mois en raison des lenteurs bureaucratiques liées à l’organisation des institutions après les élections. « Si l’on considère que la cinquième année est consacrée aux préparatifs électoraux, il ne dispose en réalité que de trois ans de mandat effectif. Les cinq ans, c’est sur papier », a-t-il ajouté. Il a également appelé à revoir les dispositions rédigées, selon lui, par « des étrangers », afin de donner au pays une Constitution plus adaptée à ses réalités actuelles.

Une Constitution en débat depuis 2006

Promulguée en 2006, après une transition politique de trois ans réunissant les anciens belligérants sous la formule dite du 1+4 (un président et quatre vice-présidents), la Constitution actuelle de la RDC a permis la tenue de quatre cycles électoraux jusqu’à aujourd’hui. Toutefois, depuis son entrée en vigueur, elle n’a été modifiée qu’une seule fois, en 2011, lorsque le système électoral est passé d’un scrutin présidentiel à deux tours à un vote à un seul tour.

L’article 220 de cette Constitution constitue un verrou juridique majeur. Il interdit toute révision touchant à des aspects fondamentaux comme la forme républicaine de l’État, le suffrage universel, la durée des mandats présidentiels, et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Malgré ces limitations, Augustin Kabuya semble avoir ouvert une brèche, relançant un débat sensible qui touche aux fondements même de la démocratie congolaise.

Crainte d’un troisième mandat pour Tshisekedi ?

L’évocation de cette révision constitutionnelle soulève d’importantes interrogations au sein de l’opinion publique et de la classe politique. Certains craignent qu’elle ne soit qu’une manœuvre déguisée pour permettre à Félix Tshisekedi de briguer un troisième mandat, en dépit des limitations actuelles. Une hypothèse fermement rejetée par l’opposition et des organisations de la société civile.

« On ne joue pas avec le feu », avertit Devos Kitoko, secrétaire général du parti de l’opposant Martin Fayulu. « Chercher à résoudre des dissensions internes au sein de votre parti politique en créant des conflits artificiels est politiquement insensé et dangereux pour la nation », a-t-il ajouté. Ce sentiment est partagé par Jean-Claude Katende, activiste des droits de l’homme, qui prévient que le pays risque de revivre les tensions qui ont marqué les dernières années du règne de Joseph Kabila. Entre 2015 et 2018, la RDC avait en effet connu une vague de manifestations populaires contre la tentative de Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de ses deux mandats constitutionnels.

Le contexte politique actuel : Tshisekedi est-il mieux placé que Kabila ?

Cependant, certains analystes estiment que le contexte politique actuel est plus favorable à Tshisekedi qu’il ne l’était pour Kabila. D’après Yvon Muya, auteur de La Révolution congolaise : Kabila, la rue et l’alternance, Félix Tshisekedi bénéficie d’un environnement moins agité. Contrairement à Joseph Kabila, qui faisait face à une opposition politique unie et à des mouvements citoyens puissants, Tshisekedi dispose d’une majorité parlementaire écrasante, avec plus de 95 % des sièges à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette position dominante pourrait lui permettre de mener des réformes sans rencontrer de fortes résistances parlementaires.

Néanmoins, la situation sécuritaire dans l’est du pays reste un défi majeur pour son administration, et pourrait limiter sa capacité à opérer des réformes en profondeur. De plus, la société civile et l’opposition ne semblent pas prêtes à laisser passer une révision de la Constitution sans réagir. Le mouvement citoyen Lutte pour le Changement (Lucha), par exemple, a déjà prévenu qu’il ne tolérerait aucune tentative de prolongation des mandats présidentiels au-delà des deux prévus par la Constitution.

Un débat interne au sein de l’UDPS

Au-delà des critiques externes, la question de la révision constitutionnelle alimente également des tensions au sein du parti présidentiel lui-même. Augustin Kabuya, souvent critiqué pour ses sorties médiatiques controversées, joue un rôle central dans la relance de ce débat. Fidèle parmi les fidèles de Tshisekedi, Kabuya occupe une position stratégique au sein de l’UDPS, et sa loyauté envers le président lui assure une influence considérable. Cependant, ses propos sur la Constitution ont également suscité des remous, même au sein de sa propre formation politique.

Les divisions internes pourraient compliquer davantage la gestion de ce dossier sensible. En mai dernier, lors d’un discours à Bruxelles, Félix Tshisekedi avait lui-même qualifié la Constitution actuelle de « désuète », la décrivant comme un outil conçu pour « avantager les anciens belligérants » lors de la transition post-conflit. Il avait également évoqué la possibilité de revoir le mode de désignation des gouverneurs et de mettre fin au système proportionnel pour les élections législatives, afin de simplifier le processus électoral et l’installation des institutions. Mais jusqu’à présent, aucun acte concret n’a été posé pour entamer cette révision.

Quelles perspectives pour l’avenir ?

Alors que les discussions sur une révision constitutionnelle continuent de diviser l’opinion, Félix Tshisekedi se trouve à un carrefour décisif pour l’avenir de la RDC. S’il décide de franchir le Rubicon et d’aller de l’avant avec cette réforme, il devra affronter non seulement l’opposition politique et la société civile, mais aussi gérer les tensions internes à son propre parti. Toutefois, s’il renonce à cette révision, il risque de perdre une occasion de moderniser le cadre juridique du pays, mais aussi de renforcer son contrôle sur le pouvoir.

La question reste donc ouverte : Félix Tshisekedi choisira-t-il de respecter les verrous constitutionnels en place, ou tentera-t-il de redéfinir les règles du jeu politique en RDC ? Quoi qu’il en soit, la révision de la Constitution, si elle a lieu, marquera un tournant dans l’histoire politique de la RDC, avec des conséquences durables pour sa gouvernance démocratique.


Ce débat sur la révision de la Constitution en RDC est bien plus qu’une question technique. Il touche au cœur des dynamiques de pouvoir et à l’avenir de la démocratie congolaise. Alors que le président Tshisekedi amorce son second mandat, le choix qu’il fera concernant cette réforme déterminera non seulement son propre héritage politique, mais aussi l’avenir du pays.

Odon Bulamba

©2024 – LNL News

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