L’ancien directeur des Impôts et Domaines, empêtré dans une bataille judiciaire avec Ousmane Sonko portant sur plus de 90 milliards de francs CFA, a-t-il tenté d’exploiter l’accusation de viol contre son adversaire ?
La jeune femme entre dans le salon, sombre et aux rideaux tirés, sans rien dire. Il doit terminer la récitation de son chapelet avant de parler. Adji Sarr apparaît de la même manière qu’elle l’a fait lorsqu’elle s’est dévoilée pour la première fois aux Sénégalais en mars 2021, il y a un an. Presque effacée, pieuse et modeste. Mais elle était catégorique. A l’heure actuelle, l’accusatrice d’Ousmane Sonko a choisi de s’adresser à la presse pour réfuter tout plan contre lui et réaffirmer ses accusations. Cette employée de Sweet beauté spa a porté plainte auprès du commandant de la brigade de recherche de la gendarmerie de Colobane le 3 février 2021. Elle a alors accusé le député de l’avoir violée et menacée de mort dans le salon de massage de Dakar où elle travaillait à de multiples reprises. Un protagoniste atypique se retrouve désormais sur la sellette à huis clos de l’incident de Sweet Beauty, surnommé du nom du salon de massage où officiait la jeune Adji Sarr jusqu’à son accusation de viol contre l’opposant Ousmane Sonko en février 2021.
Mamadou Mamour Diallo, l’ancien directeur des Impôts et Domaines, président du mouvement politique pro-chef de l’Etat Dolly Macky, et candidat malheureux à la mairie de Louga aux élections locales de janvier, est devenu, contre son gré, un témoin important dans cette affaire judiciaire qui fait rage. Depuis plus d’un an et risque de modifier profondément le paysage politique sénégalais. Sur la place publique, un enregistrement litigieux a été réalisé. Un clip audio a été divulgué aux médias nationaux début avril et rapidement diffusé sur les réseaux sociaux. Un homme et une jeune femme évoquent l’affaire Sonko dans un langage pour le moins déroutant dans cette discussion en wolof de très mauvaise qualité, captée en catimini et nécessitant une compétence suffisante pour être confirmée. Le 2 février, l’employée du salon qui aurait massé Ousmane Sonko et Adji Sarr avant de les laisser seuls dans une pièce a déclaré aux gendarmes qu’elle “les avait entendus parler à l’intérieur pendant plusieurs minutes”. Elle ajoute que la plaignante lui a donné 100 000 francs CFA en échange de son départ de la gendarmerie. Elle poursuit : “J’ai catégoriquement rejeté.” La dernière personne entendue était un homme se faisant passer pour l’ami d’un plaignant qui aurait connu les faits. Le 2 février, il se rend à l’hôpital avec Adji Sarr pour un examen médical. Interrogé par les enquêteurs sur ses « activités politiques », il a affirmé que son père est le leader d’un mouvement lié à la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar. Autant d’éléments figurent dans le dossier du procureur de la République, qui a été transmis au juge d’instruction le 9 février et a demandé l’ouverture d’une information judiciaire pour « incitation à la débauche, diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs, complicité de viols et viols et menaces de mort ».
Sauf que le parquet ne nomme pas directement Ousmane Sonko dans son réquisitoire introductif, même s’il cite le propriétaire du salon. Un argument avancé par des députés de l’opposition qui s’opposent à la levée de l’immunité parlementaire de ce dernier et ont menacé de laisser vendredi la procédure à la commission. “Nous ne vous abandonnerons jamais”, jure l’homme. Tu es notre enfant. Je ne peux pas vous garantir la lune, mais je tiendrai ce que j’ai promis : après le procès d’Ousmane Sonko, je vous ferai fabriquer un passeport [diplomatique] pour que vous puissiez quitter le pays. Je l’ai dit, et j’ai l’intention de suivre jusqu’au bout. Nous ne pouvons pas vous faire ce passeport pour le moment puisque nous ne savons pas où se trouve le dossier. C’est quelque chose que même le gouvernement ne peut pas faire. Faut-il s’attendre à un marchandage entre ce supposé bienfaiteur et la femme qui prétend être la victime d’Ousmane Sonko ? Est-ce un moyen de persuader la jeune femme de témoigner contre elle en échange de la sécurité et du soutien de la campagne présidentielle, voire du gouvernement ? Cet audio, dont les origines restent mystérieuses, est d’autant plus gênant que les propos enregistrés sont attribués à deux individus dont les dialogues soulèvent le doute sur la sincérité des accusations portées devant la justice.
En effet, l’individu qui semble pousser Adji Sarr à porter plainte en lui promettant des garanties au plus haut niveau de l’Etat n’est autre qu’un cadre clé de la majorité présidentielle, qui fut autrefois en charge des Impôts et Domaines, un service de que salue Ousmane Sonko après une arrivée fulgurante en politique dans les rangs de l’opposition, il a été radié en 2016 pour manquement à son devoir de réserve. Alors qu’Adji Sarr a été entendu jeudi 14 avril par le tribunal chargé de l’affaire et confronté à la direction du salon de massage, le moment de son limogeage pose question. L’homme politique africain combat son propre peuple, dit Seydina Oumar Touré. Où sont la démocratie et la liberté dans tout cela ? Le 14 avril, un fonds d’aide a été créé pour l’ancien capitaine, qui avait été « injustement évincé de la fonction publique ». Une énième et énième injustice sociétale, c’est ainsi que se définit sa rupture de contrat organisée par les organisateurs de la cagnotte. La somme récoltée s’élevait à plus de 30 millions de francs CFA au lendemain de sa création, démontrant la popularité de l’ancien enquêteur.
La rumeur concernant le rôle de Mamour Diallo dans les origines de l’affaire Sonko circule depuis plusieurs mois dans l’establishment politique. Un cadre de la mouvance présidentielle à Louga, sachant qu’Ousmane Sonko fréquentait ce salon de massage, a manipulé Adji Sarr afin de monter un dossier contre lui, confiait fin janvier 2022 à JA trois mois avant le nom de Mamour Diallo, collaborateur d’un autre leader de l’opposition, a été évoqué publiquement. Cette fois, c’est un proche du président Macky Sall qui a validé cette version le 1er mars. Malgré la possibilité que des relations sexuelles forcées aient existé entre Ousmane Sonko et Adji Sarr, notre source nous a indiqué que c’est Mamour Diallo qui a mis en scène l’accusation initiale de la jeune femme. Cette rivalité entre les deux individus aurait-elle pu déclencher la formation d’une cabale judiciaire quelques années plus tard ? Malgré leurs affiliations politiques, nos deux sources s’accordent sur un point : la prétendue « machination » autour de cette affaire n’absout pas Ousmane Sonko des accusations de viol portées contre lui. Cependant, lorsque le président Macky Sall a appris cet incident et le rôle de Mamour Diallo, il a été pris de court, a déclaré l’un de nos interlocuteurs. L’un des avocats d’Adji Sarr, Me El Hadj Diouf, conteste la thèse de la manipulation.
En avril, l’avocat déclare : Je ne sais pas si cet enregistrement est légitime, mais c’est un fake news. Tout est concevable avec les technologies modernes. Face à la frénésie médiatique autour de cet enregistrement secret, ce ténor de la barre a ajouté : Dans l’enregistrement en question, rien n’établit qu’il y ait eu un complot contre Ousmane Sonko. Autre question, peut-être plus critique : à supposer qu’Adji Sarr ait secrètement enregistré Mamour Diallo, pourquoi lâcherait-elle une conversation qui met en doute son propre témoignage ? Alors que son statut d’accusée lui a déjà valu le mépris de ses fans ?
Mamour Diallo, l’ancien directeur des Impôts et Domaines, longtemps en disgrâce, est celui qui a fait assister Adji Sarr. Mamour Diallo s’est précipité dans cette situation, qu’il a découverte tardivement, pour faire éclater Sonko, a déclaré une source, ajoutant : Il cherchait à se venger d’Ousmane Sonko. C’est lui qui a insisté pour que la jeune fille porte plainte. Notre interlocuteur affirme que la vengeance qu’il évoque est liée à une affaire qui fait l’actualité depuis plusieurs années. En l’occurrence, il s’agissait d’un différend autour d’un titre foncier convoité dans lequel Ousmane Sonko qui avait précédemment exprimé son mécontentement et Mamour Diallo, le chef des Impôts et Domaines à l’époque, se sont retrouvés face à face, le premier accusant le second d’escroquer l’Etat à hauteur de 94 milliards de francs CFA. Mamour Diallo réclame des dommages et intérêts pour diffamation et injures publiques. Pour l’heure, la justice a rendu une ordonnance de refus d’informer en réponse à la plainte d’Ousmane Sonko, qui a été confirmée en appel. L’affaire est toujours en appel. Mamour Diallo a également été innocenté par une commission d’enquête législative en 2019. Le plaignant et l’accusé ont exprimé publiquement des remords face à la lenteur de l’enquête.
Ils semblent enfin entendus : après plus d’un an d’inaction, justice semble avoir été rendue dans l’affaire Adji Sarr et Ousmane Sonko. Le 3 février 2021, la jeune femme porte plainte pour viol et menaces de mort contre l’opposant et adjoint au maire de Ziguinchor (Casamance). Le juge Oumar Maham Diallo a repris ce dossier explosif contre l’un des principaux opposants à Macky Sall après le décès en avril 2021 de l’ancien doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Dakar. Quoi qu’il en soit, alors que les poursuites n’ont repris que depuis peu après des mois d’inactivité dans l’enquête, les avocats d’Ousmane Sonko veulent utiliser cet épisode très médiatisé comme preuve d’une cabale judiciaire contre le président de Pastef Les Patriotes. Les personnes impliquées dans le stratagème qui a conduit à cette allégation grotesque de viol seront poursuivies, déclare Me Bamba Cissé. Et toutes les preuves ont déjà été rassemblées pour prouver l’existence d’un complot, désormais indiscutable.
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